Scrutin sous haute tension en Algérie
Huit mois après la démission d’Abdelaziz Bouteflika, l’élection présidentielle attendue par l’armée doit se tenir ce jeudi. Massivement rejeté par les manifestants du Hirak, ce scrutin sous haute tension ne donnera qu’une légitimité fragile au futur chef de l’Etat.
Enfin, le pouvoir algérien tient son élection. Suite à l’annulation du scrutin présidentiel du 18 avril, devant l’ampleur de la mobilisation populaire envers un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, puis de celui du 4 juillet, faute de candidats, le vote se déroulera bel et bien ce jeudi. Mais que vote ? La crédibilité de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), créée rapidement cet automne, est à peu près nulle. Les cinq candidats – deux ex Premiers ministres, deux ex-ministres et un ex-député du FLN – sont tous d’anciens cadres du régime, l’élection ayant été boycottée par les partis d’opposition. Concernant la campagne électorale, elle s’est passée sous cloche : le public des meetings devait avoir des invitations pour y assister…
De leur côté, les révolutionnaires du Hirak (« mouvement ») on fait preuve d’une admirable constance. Ils étaient à nouveau des centaines de milliers à marcher dans les villes du pays, vendredi, pour crier leur refus d’un scrutin réalisé par le « système » honni. Le soir même, un débat entre les cinq candidats était retransmis sur les chaînes algériennes, publiques comme privées. Le Hirak a à peine été énoncé au cours des échanges. Deux mondes dos à dos. L’un disposant de la force et de tous les leviers de l’administration ; l’autre d’une énergie incroyablement inépuisable, libérée en même temps qu’une fureur trop longtemps gardée. L’élection de ce jeudi ne réconciliera pas ces deux mondes.
L’armée et la police ont été fortement mobilisées pour sécuriser le scrutin, qui risque d’être tendu dans plusieurs localités. Mardi, 19 personnalités respectées du Hirak ont appelé les révolutionnaires à « ne pas empêcher l’exercice par d’autres citoyens de leur droit de s’exprimer librement malgré les divergences d’approche et des positions politiques ». Les signataires écrivent : « Le rendez-vous du 12 décembre est une étape parmi d’autres que le Hirak traversera avec succès pour préserver son pacifisme après cette date, grâce à son degré de conscience et à son comportement civilisé ».